Les femmes : WOW!
D’accord, elles ne sont pas encore à la tête de leurs entreprises. D’accord, la maternité leur coupe souvent les ailes et nuit à leur progression. Mais que de chemin parcouru !
En deux générations, les femmes ont investi massivement tous les secteurs. Chez les femmes de 25 à 44 ans, sept sur dix se retrouvent sur le marché du travail, contre deux sur dix en 1951. Partout, elles font leur marque et imprègnent tranquillement leurs valeurs.
Et on n’a encore rien vu ! Elles sont aujourd’hui majoritaires à l’université (57% des étudiants) et elles fournissent la majorité des jeunes avocats et des nouveaux médecins. En administration, elles font aujourd’hui jeu égal avec les hommes. Il ne manque plus à leur palmarès que les sciences pures et le génie. Nous sommes allés dans les universités pour interroger les filles sur leurs attentes face à leur avenir. Nous avons voulu les entendre sur le dilemme essentiel qui les confronte : comment mener de front carrière et vie de famille.
Mais auparavant, nous vous présentons cinq battantes épatantes. Cinq jeunes femmes qui font un malheur dans leur secteur d’activité. Qu’ont-elles en commun ? Elles aimaient toutes l’école et déjà, elles étaient des meneuses. Une autre chose frappe, c’est que toutes, elles conservent un excellent souvenir de leur enfance et de leur relation avec leurs parents, des gens énergiques et travaillants.
Imaginez l’impact de 5 000 autres femmes comme ça pour l’économie du Québec !
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Char Davies - la bohème high tech
Char Davies n’a jamais fait de compromis : elle vivrait de son art et rien d’autre. Elle croyait qu’en travaillant fort, la vente de ses peintures finirait par lui assurer ses trois repas quotidiens. Comment aurait-elle pu imaginer qu’un jour, des centaines de milliers de dollars financeraient ses recherches artistiques ? Sans compromis.
La directrice de la recherche visuelle de Softimage a aujourd’hui le mandat de mener ses créations à terme. Et elle les mène loin. Son dernier projet, Osmose, a été présenté l’automne dernier au Musée des arts contemporains de Montréal, puis à New York. Amsterdam devrait l’accueillir, l’été prochain. « Osmose est sans doute l’oeuvre la plus sophistiquée et la plus personnelle qui ait été produite à ce jour, avec la technique de la réalité virtuelle », dit Roger Ricco, de la galerie Ricco/Maresca, à New York. L’exposition d’oeuvres utilisant les nouvelles technologies, dans laquelle Osmose prenait place, a été qualifiée d’événement de la décennie en art visuel par la faune artistique new-yorkaise. La file de visiteurs venus essayer Osmose faisait le tour du pâté de maison.
Essayer une oeuvre ? Oui. Oubliez les tableaux accrochés aux cimaises; Osmose est un environnement dans lequel on s’immerge. Les images sont projetées d’un casque couvrant les yeux. Char (pour Charlotte) Davies nous plonge dans sa réalité virtuelle, une nature onirique peuplée d’un arbre, d’une forêt, d’une clairière, de météorites et d’un étang sur lequel glissent des lucioles. On visite aussi des codes électroniques et des textes poétiques.
Nous nous déplaçons dans cet univers par des mouvements du corps et par notre respiration, captés par une veste que nous portons. Une inspiration nous.fait monter dans ce paysage virtuel, tandis qu’une expiration nous fait descendre et entrer dans les formes, créant une sensation d’apesanteur. Une musique conçue à partir de sonorités humaines accompagne les images. L’univers d’Osmose diffuse un sentiment de sérénité recueillie et des gens sortent de là en pleurant.
Pour créer son univers en trois dimensions, Char Davies utilise le logiciel Softimage 3D. L’artiste de 41 ans s’est vu confier deux mandats par son entreprise : un, pousser la capacité expressive et artistique de la technologie de Softimage avec des projets spécifiques comme Osmose; deux, faire connaître ses projets internationalement pour influencer et servir d’exemple. Bref, pour « allumer une lumière dans un coin encore dans la noirceur», comme dit joliment, dans son français un peu «cassé », cette Ontarienne. Dans cette association, tout le monde y gagne.
Char Davies.
Photo © Jean-François Gratton
Char Davies est beaucoup plus qu’une employée dans cette entreprise québécoise à succès qui a donné au cinéma les animaux préhistoriques du Parc jurassique et qui a été achetée par Microsoft au printemps 94. Arrivée en 1987, un an après la fondation, la jeune artiste est devenue actionnaire de la petite entreprise de logiciels d’animation de Daniel Langlois. Elle avait rencontré ce dernier quelques années plus tôt, à l’Office national du film, et avait été enthousiasmée par ses films d’animation à l’ordinateur. Ils partageaient la même passion pour ce nou
vel outil mis au service de l’art. Avant de devenir l’associée de Daniel Langlois, Char Davies est devenue sa compagne.
À ce moment, Softimage n’était pas beaucoup plus qu’une idée. « J’ai cru à la vision de Daniel », précise-t-elle. Délaissant momentanément son atelier, elle a consacré près de trois années à bâtir l’entreprise : relations publiques, promotion, traduction et suivi de contrats, contacts de presse, organisation de leur première participation à une foire internationale à Atlanta, en 1988. Sept jours sur sept. «Elle écrit très bien, c’est un de ses plus grands talents, avec les relations publiques», dit Daniel Langlois. Profitant de ses contacts à Toronto, Char Davies a même recruté des investisseurs privés, à un moment où l’entreprise avait besoin d’argent. «J ’ai aimé ça parce que c’était notre bébé et un défi intoxicant. Jamais je n’aurais fait ça ailleurs », dit celle qui espérait, un jour, pouvoir introduire la technologie de Softimage dans son atelier.
Softimage a pris son envol et l’artiste est retournée à son oeuvre. Millionnaire et libérée de toute contrainte matérielle. Elle travaille aujourd’hui avec deux complices, Georges Mauro, créateur graphique, et John Harrison, programmeur. L’espace enveloppant tridimensionnel est au coeur de sa recherche visuelle depuis plus de dix ans. Après des années de frustration à essayer de la recréer sur une surface plane, la voilà outillée.
Si elle est loin d’être la seule à oeuvrer dans l’art électronique - des expositions internationales et des magazines y sont consacrés - elle a développé une façonunique de marier technologie et émotions. La plupart des pièces d’art électronique font appel aux sensations fortes, à la violence, à la vitesse et à l’hyperréalisme.
Le monde de Char Davies est, au contraire, habité de formes organiques louvoyant entre le figuratif et l’abstrait, de transparences et de superpositions, de teintes brunes, sépia, bleues et vertes, tirées de la nature.
« Osmose traite de notre relation avec la nature dans son sens métaphorique primitif. C’est l’interaction entre l’espace extérieur de la nature et l’espace intérieur de chacun de nous », écrit l’auteure. Nul doute, son oeuvre est engagée.
Avec Osmose, Char Davies nous offre une occasion de délaisser l’action et de renouer avec nos émotions, de se sentir « partie » de la nature, la nature étant le prolongement de nous-même. D’aucuns qualifient l’expérience de mystique.
Char Davies attribue ses préoccupations environnementales et sa sensibilité pour la nature au fait qu’elle a grandi à la campagne. C’était au nord de Toronto. De huit à 16 ans, elle a fait de l’équitation avec sa tante Adèle, une éleveuse de poneys de compétition renommée. La jeune fille y a appris la discipline et la ténacité, des qualités qui lui servent beaucoup aujourd’hui, dit- elle. Reconnaissante, elle fera plus tard, pour l’ONF, un documentaire sur cette femme qui fut pour elle un modèle, Adèle et les poneys d’Ardmore. Après avoir obtenu son diplôme en arts visuels à l’Université Victoria, elle s’est retrouvée dans un camp de bûcherons, dont elle faisait les portraits pour gagner sa vie. Les forêts majestueuses de la Colombie-Britannique l’ont profondément marquée.
Toutes ces expériences ont fait d’elle une femme sérieuse, concentrée et qui aime aller au fond des choses. « Intellectuellement, elle est d’une ténacité à toute épreuve, dit Daniel Langlois. Elle a bien lu une soixantaine de livres sur la nature, l’écologie, la philosophie, les sciences qui lui ont inspiré Osmose. » Son talent et ses efforts lui ont valu une reconnaissance internationale, notamment le Prix Pixel Image, à Monaco, en 1991, et le Prix Ars Electronica, distinction, en Autriche, en 1993.
Son travail, ses créations, c’est la vie que Char Davies a choisie. Si elle avait un souhait à formuler, ce serait de se retrouver plus souvent sur leur terre, dans les Cantons de l’Est, avec leurs 6 000 pommiers, et de contempler la nature, sa source d’inspiration.
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