Une très belle création de réalité virtuelle, un univers à la réalité réécrite en transparences et sauts spatiotemporels.
La Canadienne Charlotte Davies a exposé, du 19 août au 1er octobre au Musée d'Art Contemporain de Montréal, une création de réalité virtuelle intitulée Osmose. Elle était présentée au public dans un double dispositif, d'une part l'espace et l'expérience proposés au spectateur immergé - Char Davies profite d'ailleurs de l'occasion pour suggérer le néologisme barbare "immersant" - et d'autre part l'espace réservé au reste du public. On sait en effet qu'en matière de réalité virtuelle, les spectateurs qui attendent leur tour pour "passer aux commandes" dela réalité virtuelle sont plus nombreux que ceux qui finiront effectivement par y accéder. ll est donc d'usage de se préoccuper également de ceux-là qui sont des doubles spectateurs: de l'univers virtuel en lui-même et du jeu qu'en fait le spectateur aux commandes. Le dispositif choisi par Char Davies consistait ici en une reprise sur grand écran d'une image stéréoscopique (visible par lunettes à obturation par cristaux liquides) de ce que le spectateur aux commandes voir lui-même. Cette disposition était doublé d'une mise en scène de ce spectateur-acteur qui, isolé dans une petite pièce adjacente, apparaissait en ombre chinoise portée sur le tissu formant la cloison entre les deux espaces. Si cette théâtralisation fonctionnait assez bien, le spectateur étant harnaché de casque, harnais et autres câbles divers lui conférant une silhouette étrange, le principe n'en demeurait pas moins anecdotique.
Ce spectateur-acteur était donc quant à lui équipé d'un casque d'un casque de vision stéréoscopique muni de capteurs de position Polémus et d'un harnais de poitrine. La particularité du dispositif de navigation résidait dans ce harnais qui reproduit les conditions de déplacement de la plongée sous-marine: lorsqu'il inspire, le plongeur monte et il descend lorsqu'il expire. Ici, le harnais reproduisait la même situation, le reste du déplacement étant géré par les orientations du corps vers l'avant, l'arrière, la gauche ou la droite, transformant le spectateur en grand joystick. Cette derniere solution est relativement couramment utilisée par des auteurs qui cherchent à réintroduire l'utilisation du corps dans une communication particulièrement mentale. ll faut bien convenir que cela fonctionne avec une certaine relativité et débouche plutôt sur le déclenchement à court terme de crampes: ill n'est qu'à essayer de tenir penché en avant quelques minutes d'affilée... Quant à l'appréciation du harnais de "plongée", elle est de même restée prise entre l'élégance de l'idée et la difficulté de gérer à contretemps le désir de navigation dans un certain sens et les contingences de la respiration. Bien entendu, par ailleurs, il était possible de regarder en permanence dans toutes les directions.
Pour en venir à l'univers virtuel en lui-même, il s'agit en fait assez littéralement d'un univers autre, à la réalité réécrite par Char Davies et le graphiste Georges Mauro. La première image que le spectateur découvre est celle d'une sorte de grande clairière où coule une rivière et au centre de laquelle trône un arbre hiératique aux branches nues. En s'approchant et en pénétrant dans l'enchevêtrement de ses branches, un feuillage dense apparait, qui disparaîtra aux yeux du spectateur s'éloignant. L'espace de la forêt environnante est un sous-bois touffu, invitant à aller y perdre ses pas. Le spectateur peut également s'approcher de la rivière, sillonnée de petites lumières, qui s'avéreront être des poissons-lucioles constitués de plusieurs points de lumière, un peu comme des constellations. En s'enfonçant dans les eaux, différentes "formes de vies" se manifestent, et il est possible de glisser dans d'autres espaces adjacents, comme par exemple celui des chiffres qui sont en fait le script de l'application Osmose. Au bout de la plongée, une grosse bulle ondoyante apparaît, invitant à la visite. En y pénétrant, le spectateur se retrouve dans la scène de départ avec l'arbre et la rivière, bouclant l'univers sur lui-même. L'ensemble des espace présentent une grande cohérence formelle, jouant des transparence dans des tons bleus-gris. L'ambiance de pénombre et de solitude a un fort pouvoir poétique et le désir d'y déambuler réveusement ne s'éspuise vraiment pas en une séance.
Malgré les limites de cet univers pas tout à fait sorti d'un "ethnocentrisme" et malgré un discours un peu pesant de l'auteur sur la nécessité de retrouver la spiritualité - ce à quoi senvirait son Osmose -, cette ouvre est une des plus avancées et des plus riches qui existent aujourd'hui dans ce domaine. Faisant partie de la constellation des événements en marge d'ISEA 95, elle en était une des plus intéressantes étapes.
Osmose sera présenté du 26 octobre au 2 décembre 1995 à la Ricco/Maresca Galerie à New York, et probablement en Eurpoe dès le début 96.
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