Ce n'est pas tous les jours qu'un musée fait remplir aux visiteurs une formule de décharge de responsabilité face aux éventuels vertiges, crises d'épilepsie ou maux de cou déclenchés par l'expérimentation de l'oeuvre ...
C'est pourtant ce qui se passe ces temps-ci au Musée d'art contemporain, où Osmose, l'oeuvre d'art-environnement virtuel de Char Davies, est à l'affiche, jusqu'au premier octobre.
Qu'est-ce donc qui peut donner la nausée ou des étourdissements au visiteur? Ce dernier coiffe un casque de visualisation et d’écoute. Pendant 20 minutes, le voici dans une forêt qu'il peut explorer en surface mais aussi en hauteur (plus haut que les nuages) et en profondeur. Grâce à des capteurs posés sur le casque et sur la poitrine, l'expérimentateur évolue dans cet espace virtuel au moyen de mouvements du tronc et du cou, la respiration jouant un rôle dans les déplacements verticaux.
Plusieurs personnes en sont sorties avec des maux de cou, des vertiges, des étourdissements ... qui n'avaient rien de virtuels.
Cette réalité virtuelle avec casque est différente de celle qu'on peut expérimenter juste en face du MAC, au complexe Desjardins, dans les locaux du Monde Virtuel de Centre thématique numérique Canada. L'approche ici consiste à utiliser un écran, plutôt qu'un casque, pour plonger l'utilisateur dans une aventure sur la planète Mars.
D'après les spécialistes, l'approche avec casque est plus déroutante pour le cerveau humain, et génère davantage de ce qu'on a nommé les «cyber-malaises».
Le cerveau réagit aux limites de la réalité virtuelle, qui représentent en même temps les gros défis de cette technologie : la qualité de l'image, encore insuffisante pour donner le change et le délai entre l'action de l'expérimentateur et la réaction de l'environnement virtuel.
« La chose la plus difficile est de faire 30 images par secondes, explique John Harrison, auteur des logiciels sophistiqués de l'oeuvre Osmose. Il faut synchroniser toutes les directions en fonction du mouvement que fera le visiteur. »
Quant au délai, il est peut-être la cause des pertes d'équilibre et des malaises, avance l'informaticien. De plus, la distance entre les yeux est différente pour chaque personne et le casque est conçu en fonction d’une distance moyenne, autre source d’inconfort.
« Beaucoup de gens ne peuvent pas lire en voiture ou ne supportent pas la pizza avant les montagnes russes. Il y a une dichotomie entre les accélérations perçues par le corps et celles perçues par l'oeil. C'est la même chose en environnement virtuel : certains sens perçoivent un mouvement qui ne correspond pas au mouvement perçu par les autres sens. Beaucoup de travail encore doit se faire dans l'interface », explique l'ingénieur Jacues Bernier, président de Monde Virtuel.
Un autre élément de « cyber-malaise » est l'absence de référence à son propre corps, ce qui déroute notre système de l'équilibre, situé dans l'oreille.
Si on est le moindrement sensible, on peut ressentir des nausées. Une des façons de remédier à cela est de faire porter à l'utilisateur un gant muni de capteurs, et de fui laisser voir, dans le casque, une main virtuelle qui bouge comme la sienne.
Sans casque, la référence physique est bien présente, la personne « faisant corps » pour ainsi dire avec le faux cockpit ou un autre quelconque faux habitacle.
« En fait, la réalité virtuelle avec casque n'est pas encore au point, affirme M. Bernier. Même en utilisant la meilleure technologie, on n'arrive pas à faire suffisamment d'images pour suivre un mouvement rapide. »
Le concepteur d'un monde virtuel avec casque doit entrer une quantité faramineuse d'informations dans le système informatique. Il peut jouer sur quatre facteurs : augmenter la capacité des ordinateurs, couper le nombre d'images par secondes, diminuer le nombre de polygones créant l'objet ou diminuer le nombre de pixels alimentés par les logiciels, ce qui nuit à la définition de l'image.
La solution de Monde Virtuel a consisté à éliminer le casque, à placer le participant devant un écran et à lui faire vivre des expériences ne dépassant pas une certaine limite de vitesse.